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La crise liée au coronavirus nous fait entrer dans le domaine de la représentation

Pascal Ory, dans Télérama, suggérait que, par nature, les événements dramatiques que nous vivons sont culturels car ils sont de l’ordre de la représentation. Alors certes, le virus atteint des organismes et les rend malades, voire les tue, ce qui relève de la réalité la plus prosaïque. Mais la manière dont nous expérimentons le confinement, dont nous nous renseignons sur la meilleure manière de combattre la maladie, dont nous partageons les initiatives ou les réflexions pour l’après, relèvent de la culture. Les asiatiques portent depuis longtemps des masques car ils ont déjà vécu des crises sanitaires les incitant à se protéger. Les Français expriment une manière différente de vivre la contrainte. Un certain nombre s’affranchissent des consignes de distanciation sociale dès que le soleil chauffe. La discipline collective ne nous cimente pas tous. Pendant un temps, les Américains ont jugé avec désinvolture la crise sanitaire européenne ou asiatique parce qu’ils vivent avec l’idée d’une Amérique forte et victorieuse dans ses guerres. Cette force d’auto-conviction, de supériorité sur l’adversité s’inscrit dans leur culture.

Soudain Internet dévoile un potentiel insoupçonné pour les acteurs culturels

Internet, jusque là considéré par de nombreux acteurs culturels comme simple appoint pour permettre d’acheter des billets en ligne pour des manifestations ou des expositions à forte fréquentation, commence à bouleverser les représentations des institutions culturelles. En période de confinement, les expositions virtuelles de la BNF ont augmenté de 113% leur fréquentation; le musée du Louvre en ligne est passé de 40 000 à 400 000 visiteurs par jour. La Toile offre ainsi de nouveaux canaux pour développer des publics, pas seulement des jeunes, susceptibles de venir découvrir en réel les collections et expositions. Elle permet également de tisser des liens différents avec les visiteurs potentiels, liens qui ne se dissoudront pas en fin de confinement.

Une pause surmontable et profitable, en s’inspirant de modèles littéraires

Enfin, en lisant Montaigne et Proust, on peut se rendre compte que le confinement se révèle surmontable et profitable. Le premier connut la peste à Bordeaux, au début du XVIIe et le second souffrait d’asthme chronique: les deux auteurs analysèrent le monde autour d’eux d’une manière très pertinente et transposable à notre époque. Surmontable paraît le confinement car il relève, pour la plupart d’entre nous, d’une bonne organisation personnelle et professionnelle. Ecrire une charte lorsqu’on vit en famille nombreuse afin que le respect des individus, de leur temps, de leur goûts, de leurs contraintes et caractères assure l’équilibre social au sein du cercle familial. Planifier une séance de gymnastique, de Pilates, de danse ou de yoga, régulière, invite chacun à la sérénité et permet de compenser la moindre activité physique en cette période au périmètre resserré. Ranger et trier les placards, les dossiers administratifs, son dressing, les mails accumulés, les photos de vacances…autant d’actions sources de joie et de résultats tangibles à partager. En un mot, profitables.

Une incitation à exercer sa pensée

Sur le plan intellectuel, la presse abonde d’articles sur la mise en perspective de la crise sanitaire, que ce soit en matière de politiques publiques (transports, alimentation, logement, santé, économie, éducation, culture, protection des données) ou de vision de la société ou bien encore d’écrits sur la perception de l’enfermement. Balançant entre fictions et témoignages, documentaires et caricatures, la crise d’aujourd’hui incite chacun à la créativité, à revisiter son parcours, son avenir, à se saisir de ce ralentissement (pour ceux qui ne sont pas sur le front bien sûr) pour procéder à une introspection singulière, à regarder ses proches différemment, à se saisir de l’occasion d’une distance au monde pour se recentrer, en un mouvement profond et salutaire car inédit et inouï.