Le premier livre de la trilogie d’Alma, de Timothée de Fombelle, emporte l’adhésion dès les premières pages. Au XVIIIe siècle, une adolescente issue d’un village en Afrique, âgée de 14 ans, part à la recherche de son petit frère, disparu avec son cheval couleur de brouillard. Le lecteur est propulsé d’entrée de jeu dans une région enchanteresse et enchantée.
Une fois ce point de départ, ou paradis perdu, posé, la quête d’Alma, sur terre et sur mer, qui la poussera dans la jungle, le fleuve sauvage ou l’enfer d’un navire négrier, donnera l’occasion de mieux comprendre la traite des esclaves depuis la France et l’Angleterre à cette époque. Le point de vue de la jeune fille, comme celui de ses parents, ou des aventuriers qu’elle rencontre, aide à percevoir l’infinie variété des perceptions culturelles de part et d’autre du continent noir.
Ce récit, s’il relève dans son positionnement de la sphère de la littérature pour enfants, apparaît très vite comme un ouvrage susceptible de séduire un lectorat adulte, avide de contes, de romans d’initiation ou de portrait accessible sur un écosystème d’exploitation humaine.
Une galaxie de personnages, très fouillés psychologiquement, prennent place progressivement, sans que leurs interactions ne se devinent immédiatement. Ainsi en est-il du jeune Joseph Mars, enfant de l’Assistance publique, et embarqué sur le navire La douce Amélie, à La Rochelle, qui deviendra un de ses compagnons de prédilection.
Au monde de la douceur et du cocon de l’enfance dans une famille aimante succède bientôt l’Aventure dans l’univers au-delà des frontières interdites. Le chemin de l’adolescente va croiser d’autres esprits purs et chevaleresques, mais également celui d’hommes perdus par leur cupidité ou leurs faiblesses.
Les héros et héroïnes relèvent pour l’essentiel du monde de l’adolescence, entre innocence et lucidité qui se construit à la lumière des dangers.
L’histoire fascine car elle tisse des liens subtils entre, notamment, le réalisme crû des intérêts commerciaux des marchands d’esclaves ou des propriétaires de biens, et la poésie de la vie intérieure du peuple Oko. Comment identifier ses alliés lors des pérégrinations en terres inconnues? La jeune Alma se fie à son intuition et à sa force de résistance. Patiente mais rapide, elle apprend à attendre les moments propices pour agir.
La ruse et l’esprit, qui permettent à Joseph, le mousse-espion, de survivre, apparaissent comme les deux qualités prioritaires aux protagonistes de cette aventure. La solidarité et l’anticipation complètent la panoplie des héros.
Ce roman de piraterie et d’esclavage déroute par la finesse d’intelligence relationnelle des personnages. La fidélité à un rêve, à un maître d’apprentissage ou à une terre guide les pas des acteurs. Les obstacles parsèment la route et rendent justice à la persévérance des adolescents ou des esclaves.
Les conditions de captivité asservissent les volontés mais le chant, la musique rassemblent. Et l’union génère des forces nouvelles.
Un souffle puissant balaie le roman et rend plus difficile l’attente du volume suivant. Cette épreuve-là néanmoins semblera bien douce au regard de ce que vivent les héros. Elle nous permettra de méditer sur les valeurs et le chemin de vie que dresse Alma, Le vent se lève.