Quentin Dupieux propose, avec son dernier film, Mandibules, un univers réjouissant, ensoleillé et coloré, bien éloigné des poncifs habituels du road trip drôle.

Mandibules de Quentin Dupieux
Une mission facile, en apparence
Deux losers, Jean-Gab et Manu, qui vivent de combines faciles, acceptent de transporter une mallette mystérieuse d’un point A à un point B, pourvu que cette mallette soit dans un coffre de voiture. Amenés à chercher un véhicule adéquat à leur équipée, ils vont découvrir par hasard un animal étrange, qui va leur donner des idées de business facile. Le film raconte cette épopée, à la fois très réaliste dans les rencontres de hasard que font les héros, et en même temps assez surréaliste par la nature même de leurs aventures.

détail film Mandibules de Quentin Dupieux
Une sagesse inspirante
Ces clochards contemporains n’inspirent pas la pitié car ils ne se plaignent jamais. Et ils adaptent leurs rêves à leur mode de vie, le meilleur gage de bien-être somme toute! Cependant l’idée du réalisateur n’est évidemment pas de donner une leçon de simplicité de vie aux spectateurs. On sentirait plutôt l’envie de faire partager la folie ordinaire, qui guette chacun, y compris dans des univers très protégés, comme celui des vacancières rencontrées accidentellement.

Quentin Dupieux à Venise avec Mandibules
Les signes d’un monde merveilleux surgissent ici ou là, avec un vélo-licorne ou une mouche géante et domesticable. L’absence de foules ou de touristes dans le décor rend le film presque non datable, en suspension dans un temps éternel, comme une fable. La gentillesse des héros provoque la bienveillance presque instantanément chez le spectateur. Leur ambition se heurte parfois à la résistance des objets (un coffre difficile à ouvrir au sécateur, une cuisson mal maitrisée déchaine un incendie etc.) et à l’incompréhension de leurs interlocuteurs (qui ne souhaitent même pas séduire de jolies touristes ou se baigner dans une piscine de rêve, et qui aspirent juste à avaler de grandes quantités de nourriture et à dormir!).
Des rapports sociaux centrés sur l’essentiel
Jean-Gab et Manu se sont délestés des rapports sociaux superficiels et se concentrent sur le réel et l’essentiel, les fondamentaux de la pyramide de Maslow en quelque sorte. Mais ce faisant, dans le cadre dépouillé et fantastique qui les cerne, ils dégagent malgré eux un humour salutaire et solaire. L’amitié et la fidélité, la simplicité caractérisent leur approche. Si le film entérine partiellement les rapports de classe, il ne pose pas cette question comme fondamentale dans l’histoire. La force d’adaptation des personnages principaux aux environnements qu’ils croisent tient à leur regard distancié sur la richesse d’autrui, qu’elle soit sociale ou matérielle. Cette aisance est d’ailleurs souvent dénigrée par le réalisateur comme ridicule, affectée et dominée par des rapports de force. L’authenticité des relations qui lient les héros entre eux atteste de leur sagesse dans la manière d’envisager les événements qui surviennent, souvent par hasard. Les nombreux check « taureau » qu’ils se donnent au quotidien pourraient en être une illustration des plus symboliques.
Vous l’aurez compris, ce film atypique et inclassable est à voir de toute urgence pour garder confiance dans l’avenir post-confinement, et soutenir la culture « essentielle »!
Pingback: Newsletter #La petite musique de la culture #juin2021 - HC / CONSEIL