L’expérience d’un séjour au couvent dominicain de la Tourette, créé par Le Corbusier, se compare à nulle autre. Une plongée dans un ensemble de bâtiments atypiques au regard de leur environnement naturel et urbain proches. Une approche immédiate de la spiritualité dégagée par les lieux, et peu importent les croyances réelles ou imaginaires de chacun. Un accueil chaleureux, enfin, de la communauté de frères qui y habitent.

Silhouette couvent Le Corbusier

Un site exceptionnel

Le couvent, bâti sur les Monts du Lyonnais en 1957, domine la vallée et apparaît tout d’abord comme une forteresse de béton, sur pilotis.

Il se mérite ! Les 1,5 kilomètres qui le séparent de la gare de L’Arbresle s’effectuent à pied, en montant la colline, le service de taxis s’avérant inexistant.

Les Dominicains sont des frères de l’Ordre des prêcheurs, un ordre religieux fondé en 1215 à Toulouse qui remplace le travail manuel par l’étude et la prédication afin d’agir dans le monde et de participer à son évolution.

Entre 1959 et 1970 La Tourette accueille 75 frères et n’est pas ouvert au public. Il constitue un studium ou lieu d’études pour les apprentis prêtres. Aujourd’hui dix frères dominicains y vivent et sont engagés à l’extérieur dans l’enseignement, la recherche, l’action sociale et la création artistique. On peut séjourner au couvent et partager la vie de la communauté.

entrée couvent de la Tourette-le Corbusier

Un lieu de rencontres

De nombreux groupes spirituels mais également d’architectes, ou associatifs s’y retrouvent, notamment lors des temps forts que constituent les rencontres de La Tourette (des sessions de conférences et ateliers), ou lors de l’exposition d’art contemporain au moment de la Biennale d’art contemporain de Lyon. L’architecture et l’esprit du lieu ont inspiré aussi bien Lee Ufan, Anish Kapoor, François Morellet que les Poirier par exemple.

Le Corbusier, architecte suisse de La Chauds de fonds, s’installe à Paris en 1917 et découvre le béton armé mis en œuvre par Auguste Perret (cf. la reconstruction du Havre). Il souhaite créer en résonant avec la société moderne et industrielle. Ses réflexions concernent aussi bien les logis individuels que collectifs. Il fédère autour de lui des collaborateurs qui apportent une dimension complémentaire à l’architecture. Ce sera le cas de Yannis Xenakis à La Tourette, ingénieur de formation et musicien.

Une approche résolument moderniste

réfectoire couvent de la Tourette

Son approche se lit à travers les cinq points qu’il définit pour une architecture moderne : le pilotis, qui libère le sol, le plan libre ou structure poteau-dalles, la façade rideau qui s’ouvre librement sur le paysage, la fenêtre bandeau pour regarder l’extérieur en se déplaçant et le toit terrasse comme nouvel espace de vie au soleil et à l’air pur.

Chaque étage dans le couvent correspond à une fonction. Au niveau -1, la vie de la communauté avec l’église, le réfectoire et la sacristie. Au rez-de-chaussée, l’étude est privilégiée avec la bibliothèque et les salles de séminaire. A l’étage se tiennent les dortoirs ou cellules.

canon de lumière -église- couvent de La Tourette

Chaque espace est construit en fonction du modulor, un système de proportions basé sur le nombre d’or et rapporté à la taille idéale d’un homme d’1,83m, permettant de concevoir à l’échelle de l’homme. Toutes les dimensions sont des multiples de ce nombre d’or.

Perché sur la colline, le bâtiment épouse la pente grâce aux colonnes en pilotis. Tous les espaces donnent sur la forêt et la vallée. La vue du réfectoire se livre à travers les panneaux Mondrian, de couleurs rouge, jaune et bleue. Dans le couloir d’accès à l’église, Yannis Xenakis a rythmé la lumière grâce à des structures verticales qui se rétrécissent ou s’élargissent.

rythmes de Yannis Xenakis- couvent de La Tourette

L’oratoire présente une architecture remarquable : c’est un cube surmonté d’une pyramide et reposant sur une croix de béton.

Dans l’église, trois canons de couleur teintent la lumière pénétrante de couleurs vives (jaune bleue et rouge).

église Couvent de la Tourette- Le Corbusier-

Une arche permet d’entrer dans le bâtiment, qui symbolise le passage de la nature, du monde profane à celui du monde religieux et spirituel.

Le temps et le calme pour soi

Vivre au rythme du couvent, profiter des temps d’échanges brefs lors des repas avec les Frères, s’imprégner des jeux de lumière qui entrent en flux de couleurs dans l’église, observer la forêt proche vue du réfectoire, marcher, lire et débattre avec les visiteurs de passage des mérites de cette architecture singulière : le couvent de La Tourette permet une expérience unique de silence, de rythme lent et reposant dans un contexte sanitaire incertain et anxiogène. L’enthousiasme des équipes qui y travaillent justifie déjà en soi la curiosité que l’on peut ressentir pour les lieux.

Et l’adéquation des expositions d’art contemporain avec les thématiques suggérées pour cette architecture suggère de prendre rendez-vous lors de la prochaine Biennale de Lyon. En attendant, si vous avez envie de couper avec le stress et les réseaux sociaux chronophages, n’hésitez pas à y séjourner quelques jours. Vous en sortirez apaisés et heureux!

balcon cellule- Couvent de la Tourette